De sentir sans sensation
Je vous l'ai dit, je ne sens plus mon pied... enfin, la majorité de mon pied en fait. Je ne sens que le flan gauche et une partie de la voute. Ca engendre quelques problèmes au quotidien. Par exemple, il me faut constamment vérifier que mon pied n'est pas blessé. Quand je mets une chaussure, je dois vérifier qu'il n'y a aucun point de pression, par exemple un petit caillou, que la languette est bien droite, que le derrière n'est pas plié... C'est fatigant à la longue. Il le faut, mais c'est lassant.
Il y a un autre problème. Avec Père, on va à la mer pour que je fasse quelques exercices de musculation. Et bien dans l'eau il faut faire très attention, on peut toujours tomber sur un morceau de corail. Et là, vu que je soulève le sable avec mes pieds, il est impossible de voir que je saigne. Rassurez-vous, ça ne m'est jamais arrive (pour l'instant), mais ça me pend au nez.
Bon, après, je vous dis que je ne le sens pas le pied, mais je le sens quand même. Par exemple, chaque fois que mon neveu me monte sur le pied ou qu'il me le bouscule, lui ne semble pas trouver que la terre est molle (comme on dit chez nous) mais moi je le sens. Quand on me bouscule le pied, je le sens surtout sur la cheville, qui va se mettre à bouger. Quand on me touche le pied, c'est différent. Des fois, je ne le sens pas, mais des fois. Imaginez que vous cherchez une station radio, vous "visualisez" le crachin quand ça ne correspond à aucune station ? Ben mon pied, c'est un peu ça. J'appelle ça un parterre de décharges. Le crachin, ce sont mes décharges. Et bien, quand on touche, enfin appuie un peu, c'est comme si on cherchait une station radio, le crachin change. Alors non, je ne sens pas le pied, mais à force, j'ai développé une nouvelle sensation. Je ne détecte pas toujours quand on le chatouille, mais ça arrive, il faut que le parterre soit actif.
La capacité d'adaptation du cerveau m'étonnera toujours.
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